Cache ce burkini que je ne saurais voir

Livre d'Histoire

Le temps a passé, les années se sont écoulées. Je me souviens pourtant de mes années lycée et plus particulièrement de mes cours d’Histoire et d’Éducation Civique, Juridique et Sociale, plus connus sous le terme ECJS. Des séances passées à explorer les heures glorieuses et sombres de l’Histoire de France mais aussi ce qui a construit notre Nation autour de valeurs fondamentales que sont la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, complétées depuis un peu plus d’un siècle par la Laïcité. Un thème fort, assurant l’impartialité de l’État devant les différentes religions, que chacun peut trouver dès l’Article Premier de la Constitution française, à savoir que la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, race ou de religion. Néanmoins depuis quelques semaines, ma pauvre France, tu t’enlises dans un débat stérile qui nous promet de longues heures nauséabondes en vue de l’élection présidentielle de 2017. A croire que tu as oublié que tu étais une terre de tolérance et de respect. Certains élus voudraient nous faire croire que la plage est un endroit fait pour être absolument dévêtu. Un lieu où les femmes doivent être nécessairement en maillot de bain, sous couvert de laïcité et du droit des femmes à disposer de leur corps et de l’exposer à la vue de tous. D’arrêtés municipaux en tribunaux administratifs, on voudrait donc nous faire croire que le port d’un burkini n’est pas compatible avec l’ambiance estivale de la Côte d’Azur. Un comble alors que la canicule fait rage et que le thermomètre monte en flèche aujourd’hui. Rappelle-toi cette époque où les dermatologues et médecins conseillaient de garder des vêtements pour éviter les coups de soleil, même une fois dans l’eau. Je pense aussi à ces femmes bien françaises du début du XXème siècle qui se jetaient timidement à l’eau, emmitouflées dans des fatras de textile. Tout ceci semble être une époque révolue. Notre République oblige désormais à être forcément dénudé sur la plage en mettant en avant l’argumentaire de sécurité et d’ordre public. Il a pourtant fallu que l’impensable arrive avec la verbalisation puis l’expulsion d’une femme assoupie sur la plage de Cannes. Quatre policiers municipaux, armés, stigmatisant une tenue qui n’a rien de choquant et un comportement d’où n’émane aucune provocation. Pire encore, personne ne semble être venu prendre sa défense et la soutenir. Les passants l’ont invectivée et copieusement insultée. C’est dire le climat délétère qui règne en France en ce moment.

Burkini à la plage de Cannes
Comme beaucoup de jeunes, je n’ai heureusement pas vécu de périodes de conflits comme la Seconde Guerre Mondiale mais ces cours d’Histoire que je citais un peu plus haut me forcent à établir un parallèle forcément édifiant dans ce genre de situations. Les temps ne sont pas si lointains où l’on laissait s’installer « paisiblement » les persécutions envers les Juifs, envers les Tziganes, mais aussi les homosexuels. L’époque a changé. Les victimes ne sont plus les mêmes et changent au fil du temps. Plus grave néanmoins, le Président de la République et le Premier Ministre, supposés être de gauche, viennent soutenir les maires – le plus souvent de droite il faut bien le souligner – auteurs de ces textes liberticides, justement contraires à l’esprit même de notre laïcité. Alors oui, aujourd’hui, je suis forcément triste d’être Français. Lassé de payer des impôts pour que des représentants de la force publique reçoivent l’ordre de contraindre une femme à se déshabiller et à l’humilier aux yeux de tous. N’y a-t-il pas plus urgent en France pour le moment ? N’existe-t-il pas d’autres missions à confier à nos policiers que de contribuer à cette sorte d’apartheid culturel et à une nouvelle forme de chasse aux sorcières ? Il me semble que nous n’ayons jamais réussi à combattre la censure par la censure mais bel et bien par le dialogue et la liberté. Au final, personne ne peut se targuer d’être humain en méprisant les autres. Et si pour une fois en France, certaines et certains choisissaient d’élever plutôt que de rabaisser ? De lire, de s’instruire et de comprendre le monde multiculturel et cosmopolite dans lequel nous vivons ? De voyager et de s’ouvrir aux autres. Espérons que le Conseil d’État, même dans le contexte d’urgence que nous connaissons actuellement, sache réaffirmer qu’il est le garant de nos libertés premières, notamment la liberté de religion, même dans l’espace public. Autrement, la France restera une cible privilégiée pour l’extrémisme islamisme, en ajoutant une pierre de plus à l’édifice de la persécution des citoyens musulmans de France. Un cercle sans fin. In fine, la propagande djihadiste ne pouvait rêver plus beau cadeau de Noël en avance.

Femmes françaises manifestent pour le droit de vote
Il est vrai que les femmes de notre pays ont mené de nombreux combats. Je ne le nie pas. Je le reconnais même et suis l’un des premiers à les défendre. La France qui s’émeut aujourd’hui du sort de ces femmes musulmanes semble oublier qu’elle a été l’une des dernières grandes nations occidentales à accorder des droits à ses propres citoyennes. En effet, il a fallu attendre le milieu des années 60 pour que nos femmes puissent gérer leurs propres biens, ouvrir un compte bancaire et exercer une profession sans l’accord de leur mari – plus de vingt ans après acquis le droit de vote. Obtenir l’indépendance vis-à-vis de la tutelle masculine a été un travail de longue haleine, de militantisme acerbe et d’éducation progressive des mentalités. Encore aujourd’hui, les nombreuses affaires d’attouchements et de viols dans les transports en commun ou l’espace public en Île-de-France nous prouvent que le chemin est encore long pour que les femmes puissent véritablement être respectées et vivre leur féminité sans crainte d’être discriminées, parfois violentées, moralement, physiquement. Effet pervers et paradoxal, notre République contribue désormais à leur faire violence et à les montrer du doigt dans leur éventuelle différence. Petit à petit, ce chemin vers leur libre-arbitre est donc remis en question par notre République qui croit bon ériger un diktat des tenues acceptables ou non en société. Qu’en est-il des religieuses que tu peux croiser régulièrement dans nos rues ? Mais également des hommes de confession juive arborant la kippa, notamment dans le XIème arrondissement où je réside ? Ces signes distinctifs d’appartenance à une religion troubleraient-ils tout autant l’ordre public sur une plage du sud de la France que des burkinis ? Ce soir, par ces quelques lignes, je tenais simplement à apporter mon soutien à cette femme injustement stigmatisée par une nouvelle forme de Gestapo et des prétendus citoyens qui ont visiblement délaissé les valeurs qui font la France. Sans oublier toutes les autres mères, sœurs et compagnes que notre République humilie dans une leçon de civisme inversée – sous les yeux de leurs propres enfants et de leur famille – pour réaffirmer haut et fort que ma République n’est pas celle à laquelle vous avez été confrontées.

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