Ayant retrouvé bien malgré moi le chemin d’un seul site de rencontres, je reste toujours estomaqué devant la quantité de mecs qui sont prêts à sauter directement sur le slip d’un parfait inconnu sans même l’avoir rencontré. Et aussi face à l’énorme perte de temps qu’ils représentent – sites ou mecs, je te laisse choisir. Pour des profils qui ne répondent en majorité jamais et avec qui la discussion s’estompe aussi vite qu’elle est apparue. Les quelques applications géolocalisées n’aident aussi en rien à adoucir le relationnel déjà compliqué dont se plaignent constamment les garçons parisiens. Plus drôle encore, les traditionnels emojis si innocents sur un écran d’iPhone, obtiennent une toute autre signification une fois que les portes de l’application orange ont été franchies. La banane et l’aubergine deviennent symboles phalliques alors que la pêche devient une paire de fesses. Les flèches « haut » et « bas » se transforment en images détournées destinées à faire comprendre l’activité ou la passivité du propriétaire du profil. Quant aux quelques gouttes de pluie, pas besoin d’aller très loin pour comprendre qu’il s’agit en fait de semence masculine, à savoir du sperme. Ou plutôt de « jus ». Et j’en viens au facteur qui me surprend le plus et me chagrine parmi la communauté gay parisienne. Il y a énormément – voire plus en plus – de garçons, parfois très jeunes, prêts à « baiser bareback », en recherche d’un « plan bbk » et qui parfois affirment ne pas courir de danger étant donné qu’ils sont sous « PreP ». Acronyme de prophylaxie pré-exposition. Et c’est là que le bat blesse. On trouve ici et là, affichées dans les rues du Marais, des tracts qui prétendent que la PreP protège du VIH. Un message qui contribue à faire délaisser voire abandonner l’usage du préservatif au sein d’une population extrêmement à risque et à faire prendre des risques inconsidérés vis-à-vis des autres maladies comme la syphilis, les hépatites ou encore les chlamydias. Plus hypocondriaque que jamais, je n’ai pas le contact humain facile quand il s’agit d’aventures charnelles. Encore moins pour me passer des quelques microns de latex qui me protègent d’un mal dont ne guérit toujours pas. Comment peut-on en arriver à considérer que le VIH ne représente plus une menace ?
Le but de cet article n’est pas de jeter l’opprobre sur ceux qui sont à la recherche d’un plaisir sans préservatif. Je l’ai moi-même pratiqué lors de ma première relation en 2005. Puis lors de ma plus longue relation de 2008 à 2009. Et avec trois autres garçons. À des moments où mon statut sérologique était sûr et où, même si je ne pouvais totalement réduire à zéro les risques, j’ai cherché à les minimiser au maximum. Cinq garçons sur environ deux cents, peut-être deux cent cinquante. Voilà le bilan de mes pratiques bareback. J’avoue avoir eu des périodes de consommation extrême, suite à des ruptures ou des périodes difficiles d’estime de moi. Elles ne m’ont aidé en rien à me trouver, ni à m’épanouir et encore moins à faire le bonheur d’un garçon. Mais elles ont toujours été marqué par la volonté de préserver ma santé, ainsi que celles des autres. A l’heure où les images pornographiques inondent Internet et où les comptes Twitter et Tumblr déversent leurs flots de verges et autres morceaux de fesses imberbes, on trouve vraiment de tout sur la toile. Des hommes qui se « font remplir », d’autres qui cherchent à se faire « doser » lors de partouzes, en multipliant les partenaires au statut sérologique plus qu’incertain. Des tas de muscles qui aiment à choper des minets et à leur inonder le visage de sperme et parfois les forcent à avaler le fruit de leurs testicules. Ceci n’est qu’un extrait de ce que tu peux trouver assez rapidement avec une simple requête dans un moteur de recherche. Mais c’est faire oublier à beaucoup, et surtout aux plus jeunes que la vie n’est pas un film de boules. Que la plupart de ces pratiques sont extrêmement dangereuses, y compris pour des acteurs pornos qui mettent aussi leur santé en danger à chaque tournage. Le fantasme n’est pas la réalité. Et le sexe, bien qu’important dans une relation de couple, n’est pas la clé du bonheur pour s’assurer de la pérennité de l’amour. Néanmoins, en ayant pratiqué les deux possibilités et en gardant à l’esprit cette comparaison, je sais que le sexe est bien plus passionné et passionnant sans préservatif. Et représente aussi une symbiose total des corps et de l’esprit de l’essence même du couple. Je garde donc en tête cet idéal d’une relation où je pourrais renouer avec cette pratique au quotidien, sans devoir angoisser à l’idée d’un statut sérologique incertain et où pouvoir laisser libre court à tous les élans et moments de fougue, dans toutes les combinaisons possibles que m’offre ma versatilité.
Au moment où j’écris pourtant ces quelques lignes, je suis vraisemblablement perdu dans ma vie. En ces quelques beaux premiers jours de printemps, j’éprouve difficilement le bonheur dans ma vie alors que j’aurais vraisemblablement tout pour être heureux. La vie parisienne. La santé. La culture à foison. Le salaire plus que confortable. Les amis. Les voyages. Le plaisir d’aller travailler dans une entreprise récemment récompensée pour le bien-être au travail. S’y rendre sous le soleil, à vélo, bien loin du métro ou du RER. Dans ma vie professionnelle, les échéances monumentales qui m’attendaient dans l’organisation d’événements et de gestions de projet se sont justement déroulées comme prévu. J’en ai été largement félicité par les responsables alors que j’ai déjà fêté mes 3 mois chez eux. Ainsi, ma période d’essai semble presque validée. Je reviens aussi de plusieurs jours passés en Lombardie au bord des rives du lac de Côme et du lac Majeur. Le temps et les paysages étaient magnifiques. Il manquait pourtant quelque chose à ce voyage pour le rendre parfait. La chaleur d’une main à serrer, le regard où se perdre en tête à tête au restaurant ou encore le corps contre qui se blottir lors des soirées passées dans un prestigieux hôtel à Milan où l’on avait mis à ma disposition une chambre avec un lit King’s Size qui est resté désespérément bien calme. Mais rien de ce que je ne cherche ne se trouve sur un site de rencontres. J’ai l’impression que les belles photos – parfois très simples ou banales – que je peux parcourir sur Facebook, Instagram ou sur de nombreux sites Internet ne seront jamais réalité. Je conserve cette sorte de syndrome du petit garçon que l’on a trop gâté pendant son enfance, aujourd’hui capable de déplacer des montagnes pour ses études, ses projets professionnels ou encore pour partir seul prochainement à la découverte du Moyen-Orient. Pourtant hypersensible, bien démuni et en manque total de confiance lorsqu’il s’agit de s’aventurer sur les chemins de l’amour et des plaisirs charnels. J’ai longtemps cru n’avoir besoin de personne dans ma vie. Pour mieux être le maître de mon destin tout en donnant l’air de n’avoir de comptes à rendre à personne. Plus les mois passent, plus je ressens néanmoins une immense solitude dans mon cœur rempli de mélancolie. J’ai bien essayé de m’ouvrir à quelques garçons à qui j’ai offert les clés de mon cœur et me suis pourtant toujours trompé. Est-ce le prix à payer ou le chemin nécessaire pour connaître ce bonheur que quelqu’un d’inconnu semble me refuser depuis si longtemps ? Depuis des années, je ne souhaite que rencontrer quelqu’un qui me tourmente, me fasse rire, fasse couler des larmes sur mes joues, dessine un sourire sur mon visage, me blesse et me calme à la fois. Qui chérisse cette hypersensibilité qui constitue une force incommensurable mais également une faiblesse magistrale.
D’abord, je trouve que tu écris très bien. Puis, ta vision des sites de rencontres et les garçons qui les peuplent est très juste. Je la partage tout en en faisant partie (en quelque sorte).