Dormir paisiblement à tes côtés

situation me place dans une position où je me sens vulnérable et fragile à la fois. S’abandonner au sommeil dans les bras de quelqu’un n’a jamais été une chose aisée. Cette forme de mise à nu totale me met très souvent mal à l’aise et je la fuis généralement dès qu’elle se présente à moi. Aujourd’hui, il y a néanmoins quelque chose de différent. Je ne réalise pas totalement : je me réveille à tes côtés. Pourtant je suis apaisé comme rarement. J’aimerais que cette sensation dure encore des heures. Dix ans que je n’avais pas dormi dans cette ville et pourtant la météo y est restée la même… Seul un son lourd et régulier vient rompre le silence immuable qui baigne l’atmosphère qui règne sur ta chambre : le rythme régulier des gouttes de pluie qui tombent et rebondissent sur le bord de l’immense fenêtre qui nous fait face. En ce matin d’automne, la lumière est faible et pourtant mes yeux ont peine à s’ouvrir. Tard dans la nuit, nous nous étions endormis loin de l’autre. Ta main, hésitante, cherchait à rejoindre la mienne pour faufiler quelques doigts autour des miens. Je n’ai pas osé te mettre mal à l’aise avec plus et ai accepté cette légère marque d’affection… J’entrouvre doucement un œil et distingue que nos têtes sont positionnées face à face, encore à demi perdues dans les mondes de Morphée et d’Eros. Tu dors encore. Paisiblement. Tes mèches de cheveux blonds sont blotties contre l’oreiller alors que je referme les yeux pour me laisser bercer par le souffle de ta respiration, lente et constante à la fois. L’odeur de ta peau mêlée à la mienne me remémore la soirée qui vient de s’écouler. Nous n’avons pas vu passer le temps, autour de sourires, d’échanges, de rires, de regards. J’apprécie ta compagnie et la qualité de nos discussions, sérieuses et légères à la fois. Rarement ai-je trouvé un garçon avec ces intérêts communs pour la littérature, le monde qui nous entoure, les sujets de société ou encore les voyages.

En venant à Bruxelles, je ne pensais pas que tu voudrais me revoir, encore moins chez toi, encore moins hier soir et surtout autrement que quelques moments de luxure. Une nouvelle fois, tes lèvres sont venues se poser sur les miennes, quelques minutes après avoir évoqué les Trois Mousquetaires – ouvrage que tu m’avais conseillé de lire lors de notre première rencontre, lors d’une chaude soirée d’été à Paris. Retrouver le chemin de ta peau et de ton corps m’a rendu fou du désir ardent identique à celui d’il y a quelques semaines. Incroyablement passionnés, nos corps n’ont plus fait qu’un. Tantôt le tien dans le mien. Tantôt le mien dans le tien. La pluie continue toujours de tomber sur la capitale belge et me sort de ma torpeur. J’aimerais me perdre à nouveau dans le bleu de tes yeux. Ce matin, malgré mon état de demi-sommeil, j’en ai la certitude. Je me rappelle de ce jour où mes yeux se sont posés sur ton visage, tes cheveux, ta barbe et ta moustache blondes. Par deux fois, j’ai croisé ton regard lors d’un voyage en Jordanie, au cœur du site antique de Petra, il y a près d’un an et je ne l’ai jamais oublié depuis. Ces scènes me reviennent encore et encore en tête. Loin de toute rationalité. Je ne l’explique pas. J’avoue ma lassitude répétée et reconnais n’avoir pas été des plus assidus lors de nos échanges, disparates au fur et à mesure que le temps passait et que nos agendas peinaient à s’accorder. Au printemps, nous étions une nouvelle fois si proche dans deux stations de ski en Savoie et nous avons une nouvelle fois raté l’opportunité de se rencontrer. J’apprécie ces instants hors du temps, encore plus en ce moment singulier, au cœur de Bruxelles.

Cette fois, c’est au tour de ta main de me réveiller, quelques minutes ou quelques heures plus tard – ma notion du temps se brouille et devient confuse – à la recherche de tendresse et de câlins matinaux. Elle parcourt mon corps, tantôt mes bras, tantôt mon torse, parfois tendrement, parfois fermement. Un témoignage subtil, discret et léger de ce besoin d’affection dans un monde qui en manque. À cet instant, je n’ai envie de rien de particulier, juste de t’apporter la douceur que tu recherches et de recevoir la tienne. Ta tête vient se blottir sur mon torse au moment où ta main droite attrape fermement ma main gauche pour les poser ensemble sur le bas de mon ventre. Ce sentiment rare, unique et précieux de bien-être total m’envahit, subjugué par le contact et la chaleur de nos corps. Il n’y a pas besoin de parler. Tiré une nouvelle fois de ce demi-sommeil un peu plus tard, je constate que tu nous as « enfermés » dans les draps, en positionnant ton corps dos à moi, emmêlant nos jambes pour te blottir contre moi, me laissant l’unique possibilité d’enlacer ton corps au plus près du mien, recréant une sorte de cocon protecteur, chaud, sombre et ouaté. Une nouvelle fois, je suis enivré par l’odeur de nos corps à l’unisson. Rien ne s’explique dans cette alchimie. Il fait désormais jour mais cette nuit n’en finit pas. J’aimerais d’ailleurs qu’elle ne finisse pas et que nous puissions continuer à savourer le corps de l’un et de l’autre. Après quelques moments sous la douche, nous partageons un petit-déjeuner que tu prépares, reprenant nos échanges de la veille. Au moment de partir, il est déjà presque l’heure du goûter et la pluie tombe toujours sur cette rue située non loin de la Commission européenne. Tu me proposes un parapluie. Je l’accepte et réalise ensuite que je ne sais pas quand je pourrais te le rendre. Il est évident que certains aiment à plonger dans la surconsommation de plaisir charnel. Me concernant, je ne mesure pas mon intérêt pour un homme par le désir de coucher avec lui mais par mon désir de dormir à ses côtés, d’accepter sa présence, de l’enlacer sans retenue, gage d’ouverture de cette carapace qui me caractérise. J’espère te revoir, ici à Bruxelles, à Paris dans le nouvel appartement que j’occuperai bientôt, ou bien ailleurs. J’ai envie que nous parlions à nouveau, croisions nos regards et tentions d’y lire dans les pensées de l’autre pour finalement nous endormir une nouvelle fois l’un contre l’autre. Ces instants d’or et ces sensations m’avaient terriblement manqué. Ils me manquent déjà. Avec toi.

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