Funeste vendredi de novembre

Marianne pleure - Attentats de Paris
Le matin du vendredi 13 novembre, je me suis levé prêt à partir en direction de la forêt tropicale pour le site maya de Tikal. Pas particulièrement superstitieux, voire pas du tout, j’ai d’abord pensé : Tiens un vendredi 13 chez les Mayas, c’est assez rigolo. Qu’est-ce qui pourrait bien m’arriver d’extraordinaire ou bien d’extrêmement négatif ? tout en arborant un sourire un peu naïf. Après avoir passé la journée à arpenter les sentiers d’une jungle épaisse et humide, essuyé quelques averses copieuses et grimpé au sommet des temples de l’ancienne cité, j’ai réussi à regagner une zone couverte par la téléphonie mobile. J’ai senti mon téléphone vibrer et n’y ai pas prêté plus attention que ça. Encore des SMS pour me souhaiter la bienvenue au Guatemala ! ai-je d’abord pensé. Je ne sais pas pourquoi je me suis permis le doute à la deuxième puis troisième vibration. Des amis m’informent que des fusillades ont eu lieu dans le 11ème arrondissement, dans le 10ème arrondissement et au Stade de France. Des anciennes collègues, loin de se douter que je suis à plus de 9 000 kilomètres de Paris, me demandent si tout va bien. Difficile d’avoir plus de détails quand on est à l’étranger et dans des zones où la couverture mobile est très aléatoire. D’autant plus qu’un vol intérieur entre Flores et Guatemala Ciudad m’attend en fin de journée. Pas de télévision et encore moins de wi-fi dans ce petit aéroport, je ne cesse de me demander ce qui se passe à Paris de si grave en ce vendredi soir. Une longue attente et une incertitude totale entourent le sort de mes amis.

Assemblée nationale Bleu Blanc Rouge
A mon arrivée à l’hôtel, je me suis empressé d’ouvrir le site du Monde.fr sur ma tablette. Les premières images des journalistes m’apprennent qu’à quelques encablures de chez moi, des hommes et des femmes ont été la cible de meurtriers. Et je ne peux retenir mes larmes. Devant la détermination de quelques individus, dénaturés de tout sentiment humain. Devant l’effroi qui se lit sur les visages de personnes qui fuient, parfois blessées grièvement, les alentours du Bataclan et les terrasses de restaurants et cafés. Et je réalise enfin. Ces hommes attaquent ce que la France a de plus cher et qui la caractérise si souvent aux yeux du monde. Cette joie de vivre qui fait apprécier de prendre un verre en terrasse avec des amis. Ou encore la tranquillité d’une lecture au calme, dans une brasserie tranquille du XIème arrondissement, alors que l’odeur des croissants au beurre encore chauds embaume l’air ambiant. Ou même cette sympathie et les rires qui émanent d’un voisin ou d’une voisine de table qui engage naturellement la conversation. Je suis loin mais je réalise soudainement qu’une de mes amies de lycée était au Bataclan avec son compagnon. Ils sont sortis indemnes. D’autres n’ont pas eu cette chance. Afin d’éviter de sombrer dans la surenchère, je décide d’essayer de dormir, encore abasourdi par ce qui vient de se passer dans des rues que j’arpente tous les jours ou presque. Je ne peux m’empêcher de penser que je me rends normalement au cinéma, le vendredi soir, à la dernière séance de l’UGC Bercy. Je suis passé à vélo des dizaines de fois, au croisement de la rue de Charonne et de la rue Faidherbe, vers 21h30. Là précisément où 19 personnes ont été abattues froidement à la Belle Équipe. Le destin a fait que je suis loin et pourtant je ne cesse de me demander où aurais-je été à cet instant si j’avais été à Paris ?

Hommage Victimes Attentats Paris
La vie a suivi son cours durant mon voyage même si j’ai été profondément touché que des Guatémaltèques me témoignent leur compassion suite aux évènements en France. J’ai également reçu un mail de l’Université dont j’ai été récemment diplômé pour m’annoncer que le Directeur de l’Institut universitaire de technologie ainsi qu’un Maître de conférences en géographie font partie de la longue liste des victimes. De retour à Paris, les rues sont évidemment vides. Les Parisiens sont encore plus pressés que d’habitude ; personne ne s’attarde trop dehors. Les terrasses sont désertées en même temps que les températures ont chuté. On demande l’ouverture des sacs à l’entrée d’un grand magasin parisien. Nouveauté de fin d’année 2015, il faut également ouvrir son manteau. Alors que tout le monde le sait pertinemment, aucune mesure, aussi drastique soit-elle, n’arrive à freiner la détermination de quelques uns. La seule chose qui me vient à l’esprit est donc de continuer à vivre, d’être encore plus fidèle à mes valeurs et de prôner encore plus le respect, l’amour et la tolérance. Comme de nombreux citoyens, j’ai ressenti le besoin d’aller me recueillir sur les lieux. Ces quelques instants m’ont permis de réaffirmer ma détermination : je continuerai à me balader dans les rues de Paris, de jour comme de nuit, de fréquenter les salles de cinéma, de théâtre et les musées, de dîner en compagnie de mes amis et de refaire le monde avec eux. A l’image de l’admirable sourire de ce petit garçon, de sa phrase culte « Les méchants, c’est pas très gentil » et de son père qui ont fait le buzz grâce au Petit Journal de Canal +, Paris est battue par les flots mais elle ne sombre pas. Nous n’oublierons pas certes cette tragique année 2015, mais vous pouvez compter sur nous pour garder la tête haute et faire rayonner encore plus fort ce qui fait de nous des Français. La haine n’entraînerait que plus de haine. Nous répondrons plus intelligemment à vos attaques. Soyez certains que mes amis, hommes et femmes, noirs, blancs, arabes et asiatiques, juifs, musulmans, chrétiens et athées, gays et hétéros, nous n’abandonnerons pas notre soif de Liberté de sortir, de vivre, de pleurer, d’aimer, de s’engueuler, de s’embrasser, de manger ou encore d’écouter la musique qui nous plaît.

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