Vingt-et-une stations. De Père Lachaise à Porte Dauphine, il y a 21 stations. Tout voyageur qui prend la ligne 2 du métro parisien serpente d’abord entre le 11ème et le 20ème arrondissement. Puis le voyage se fait aérien, à cheval sur la frontière entre le 10ème, le 18ème et le 19ème. La rame continue son chemin, cette fois sous terre, le long des 9ème et 17ème arrondissements. Elle sillonne le 8ème et termine sa course dans le 16ème arrondissement, aux portes du Bois de Boulogne, avec de sublimes entrées Art Nouveau. Si je m’attache à cette ligne de métro ce soir, ce n’est pas seulement parce qu’elle dessert des endroits où j’aime me rendre comme le Parc Monceau ou encore le sud de la Butte Montmartre vers la rue Lepic et la rue des Abbesses. Non, si je choisis de suivre le parcours de cette ligne c’est parce que depuis un peu moins de 5 mois, je l’ai parcourue plus que jamais. Pour passer du temps avec toi. Toi que j’ai rencontré au beau milieu de l’été parisien, quand la chaleur des boulevards et des avenues de la capitale devient rapidement insupportable. Tu raccompagnais ta mère Gare de Lyon, non loin de chez moi. J’ai failli annuler notre rendez-vous au dernier moment, fatigué de mon week-end. Je ne t’attendais pas. Je ne m’y attendais pas. Pourtant, je me souviens de cette rencontre comme si c’était hier, un dimanche soir de juillet. La terrasse du Rey, à proximité du métro Voltaire, a accueilli tes premiers sourires, le reflet blond de tes cheveux tout comme ce regard pétillant aux yeux marron et plein de vie. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai été rapidement conquis. Cette alchimie que je ne trouvais que très rarement était belle et bien là. Pour l’anecdote, j’ai vu un signe dans le fait que nous partageons le même prénom. Néanmoins, tu étais plein de projets, quasiment parti tout l’été, à New York, à Marrakech, à Budapest, dans la Drôme provençale où réside ta famille. Tu n’as pourtant pas manqué d’apparaître sûr de toi et de m’accorder le peu de temps que tu passais à Paris entre chacune de ces excursions. Je n’ai pas voulu forcer le destin. Mes plus proches amis pourraient témoigner de la prudence que j’ai placée dans l’idée d’une éventuelle relation entre toi et moi. Plus encore, je me souviens des larmes et de l’émotion qui m’ont envahi quand j’ai finalement reçu un courrier de ta part, par une belle journée du mois d’août. Une lettre qui avait traversé l’Océan Atlantique. Quelques mots griffonnés depuis les bancs de Central Park ou d’un coin de table d’un café. Malgré mes réticences et mes peurs, j’ai accepté de t’ouvrir une partie de mon cœur et de croire à cette histoire, tout en te laissant découvrir le monde ; cette passion partagée entre nous.
Je ne te mentirai pas en écrivant ces quelques lignes et en disant qu’une part de moi avait finalement accepté d’accueillir un garçon comme il était, sans vouloir le modeler à ma façon. J’étais serein et stressé à la fois. Tout comme, j’ai accepté que tu ne pouvais m’apporter complètement ce dont j’avais besoin et inversement. Le fruit d’un long travail après tant de questionnements sur mon rapport à l’amour et aux garçons. De nombreux échecs également. Je me souviens de cette soirée chez moi où nous avons parlé pendant des heures de nos parcours respectifs, de nos amours passées, de nos peines de cœur, de nos attentes. Nous en avons ri. Tu m’as fait part de tes expériences et de tes réticences à t’engager dans une relation suivie et exclusive. J’ai cru ressentir le mal que tu avais à te détacher de ta première longue et belle histoire d’amour. Finalement, une part de moi savait qu’elle avançait en terrain miné dès le mois de septembre. J’ai connu cette envie de retrouver cette passion fulgurante des premières fois. Néanmoins, je doute que l’on puisse jamais retrouver les mêmes sentiments que l’on éprouvait pour son premier amour. J’ai choisi d’aller de l’avant et de te laisser la chance de continuer à mes côtés. Non pas pour ne pas t’aimer autant que celui que j’ai connu moi aussi lors de ma première relation, mais pour t’aimer différemment, d’une manière plus apaisée, pour apprendre à offrir et recevoir d’une autre manière. Nous nous sommes endormis l’un contre l’autre après avoir fait l’amour passionnément. À presque 30 ans, je n’avais encore jamais expérimenté une telle cascade de plaisirs avec un garçon. J’aimais le contact et l’odeur de ta peau. Moi qui avais tant de mal à dormir accompagné, tu as réussi à m’apprivoiser et à me faire abandonner mes peurs sur ce terrain. Petit à petit, nous avons écrit des belles pages ensemble, depuis les salles de cinéma du MK2 Nation jusqu’aux banquettes du Point Virgule ou plus récemment encore de la Comédie République. J’aimais également les soirées calmes que nous avons passées côte à côte, tantôt chez toi dans le 16ème arrondissement, tantôt chez moi dans le 11ème arrondissement. La semaine dernière encore, nous étions dans un restaurant italien que j’aime à fréquenter rue du Temple. Je n’ai pas vu venir les appréhensions que tu m’as exposées ce soir pour me faire part de tes doutes sur notre relation. Je les respecte. Je les accepte. Ce soir, en constatant la situation, je me suis encore plus rendu compte à quel point je tenais malheureusement à toi. Alors que des larmes coulent le long de mes joues à l’heure où j’écris ces quelques lignes, j’affiche néanmoins une forme de sourire sur mon visage. En repensant à tous ses soirs où tu t’endormais à côté de moi ou dans mes bras, à ces matins où tu avais tant de mal à ouvrir les yeux mais où j’en profitais pour admirer les courbes de ton visage et de ton corps ou encore pour me perdre dans ton regard. Des instants plongés dans le creux de ton épaule dont je ne me lassais pas. Combinés à ce plaisir d’aller à la boulangerie pour ramener le petit-déjeuner avant de partir travailler. Ou encore d’apporter tes costumes au pressing. De chercher des idées de sorties ou de balades pour adoucir la vie à deux. Je pensais être tel de l’eau lorsque je caressais ta peau. Ou bien comme le bleu du ciel à me perdre dans tes yeux. Ou encore une fleur qui ne demandait qu’à se poser doucement sur ton cœur. J’avoue avoir essayé de faire de mon mieux pendant ces presque 5 mois. Peut-être trop. Sans doute pas assez. Difficile de savoir. J’ai l’impression que tu as pris peur également. Étrange paradoxe alors que tu soulignais il y a encore quelques heures que je t’apporte énormément.
Passionné par ton travail – et c’est tout à ton honneur – tu t’y es de plus en plus enfermé, consciemment ou inconsciemment, pour ne pas voir la vérité qui s’imposait à toi. C’est un des arguments que tu m’as semblé mettre en avant ce soir. Tout comme ce décalage de sentiments entre ce que je semblais ressentir pour toi et ce que tu pouvais éprouver pour moi. Il y a aussi des phrases qui trouvent ironiquement écho dans ma tête comme celle où une de tes amies avait prédit que tu allais probablement me faire énormément souffrir tôt ou tard. Désormais, je me demande si tu as tout simplement besoin de temps et de faire le point. J’avoue envisager qu’un autre garçon ait pu prendre plus de place dans ta tête ou encore ton lit, étant donné que j’étais bien loin de ce que tu attends physiquement d’un partenaire. Sans doute sexuellement aussi. Si je me trompe, j’aimerais juste pouvoir te dire que je comprends la peur que l’on peut éprouver à l’idée de se dire qu’une relation devient sérieuse, à savoir que tout n’est pas rose dans une relation de couple, à se demander si le temps accordé à l’autre est suffisant ou encore s’il reçoit suffisamment de marques d’attention en retour de celles qu’il te témoigne. J’aurais aimé trouver les mots suffisants pour apaiser tes appréhensions et te prendre plus fortement dans mes frêles bras et te rassurer. Tu connais une partie de mon histoire, notamment vis-à-vis de ma relation avec mon père, pour savoir que tu m’as rendu heureux comme tu es. Tu m’as apporté beaucoup plus que je ne pouvais l’imaginer en ce premier jour de fin juillet. Un certain dimanche 31, où nous avons échangé notre premier baiser au fond d’une salle de cinéma, comme deux jeunes amants à qui les promesses d’avenir s’ouvraient en grand, des rêves plein les yeux. Qui aurait pu prévoir que je me sens désormais bien seul d’avoir lancé les dés du jeu de l’amour et du hasard ? Cette fin de soirée m’a fait réaliser encore plus la place que tu avais pris dans ma vie et plus encore dans mon cœur. Notre passion commune du voyage me faisait imaginer de beaux séjours aux quatre coins du globe pour découvrir d’autres pays et d’autres cultures. Je me réjouissais toujours à l’idée d’apporter le meilleur des pâtisseries parisiennes ou des marques d’affection pour essayer d’adoucir les longues journées que tu pouvais avoir sur ton lieu de travail. Pour la première fois depuis presque dix ans, j’avais aussi envisagé de parler d’un garçon – toi – à mes parents et de te présenter prochainement à mes amis proches. Tous étaient curieux de connaître le garçon qui avait réussi à retenir mon attention durablement, malgré ma discrétion sur notre relation. Ce soir, après nos échanges, tu m’as également proposé de rester auprès de toi. J’en mourrais d’envie mais j’ai préféré fuir plutôt que de t’imposer mes larmes. J’ai pris peur moi aussi, je l’avoue. Je te laisse réfléchir comme tu me l’as demandé. Je sens bien que tu souffres. Te soutenir m’est difficile car ni toi, ni moi, ne savons comment t’aider pour le moment. Sache que je suis tout simplement à tes côtés, même de loin. Et c’est ainsi que bien malgré moi, je te rends ta liberté « petit chat ». Ne t’en fais pas, ce ne sont que quelques larmes.
Triste, magnifique, touchant … il n’y a pas assez de mots pour exprimer ce qu’on ressent à la lecture de ce témoignage.
Excellent, quel maturité et très belle écriture en plus …
Bravo !!!!
excellent analyse et travail ….
Une belle personne. Une belle écriture.
Parce que l’histoire est déchirante, on a simplement envie de dire que l’on comprend et de dire au garçon du 11e qu’on lira avec attention ses billets.