

Le problème est que l’Histoire abonde d’anecdotes liées à notre alimentation. Tout d’abord, lors des guerres du Péloponnèse, Sparte aurait réussi à vaincre Athènes grâce à la contamination de ses citoyens et soldats par des stocks de céréales avariées. Sans oublier l’empoisonnement à l’arsenic du pain des Occidentaux à Hong Kong lors de la seconde guerre de l’opium en 1857. Ou encore l’issue de la bataille de Valmy en 1792, favorable aux forces révolutionnaires, durant laquelle les soldats prussiens et autrichiens auraient abusé des raisins de Champagne encore trop verts pour la saison. Ils se seraient alors vu dans l’incapacité de combattre, la faute à des troubles gastro-intestinaux assez sévères – je te passe aisément les détails. Au final, le constat est pourtant simple. Manger est bel et bien un acte qui représente des risques depuis la nuit des temps. L’homme a pourtant perdu en qualité ce qu’il a gagné en quantité. La famine n’est plus qu’un lointain mal dans le monde occidental mais la liste des contaminations alimentaires, voulues ou involontaires, est longue. Les progrès effectués dans les techniques de production ont permis d’arriver à l’autosuffisance dans beaucoup de pays. Néanmoins, l’augmentation continue du nombre d’intermédiaires et l’industrialisation constante ont augmenté considérablement les risques que nous encourrons dans cet acte aussi banal que vital : manger. N’as-tu jamais fait l’expérience d’un bon repas au restaurant qui s’est pourtant terminé en tête-à-tête avec la cuvette des toilettes quelques heures plus tard, la faute à une cuisine pas vraiment respectueuse des normes d’hygiène toujours plus draconiennes ?

Faut-il pour autant fuir les restaurants, les fast-foods et les supermarchés ? Difficile de se prononcer. Encore plus quand on sait que certains réfrigérateurs de particuliers sont de véritables nids à germes ou que la plupart du temps la rupture de chaîne du froid a lieu entre le lieu d’achat et le domicile du consommateur. Il y a pourtant des gestes essentiels de bon sens qui consistent à rincer et laver scrupuleusement les fruits et légumes, à respecter les dates limites de consommation surtout sur les produits sensibles comme le poisson, la charcuterie ou les œufs et à faire cuire la viande à cœur ou bien encore à consommer rapidement après leur achat, les tartares et carpaccios. Même si nous avons perdu la plupart de nos vieux réflexes d’hommes préhistoriques, devant sans cesse chasser ou cueillir pour nous alimenter, nous n’en avons pas moins perdu notre vue et notre odorat. Et au moindre doute, il vaut parfois mieux jeter un aliment dont l’aspect ou l’odeur semblent suspects. La récente crise démontre une fois de plus la cacophonie qui règne face au temps et aux analyses nécessaires pour trouver la source de la contamination. Elle a mis à jour de sérieux travers de notre société, comme le manque de coopération entre pays européens et les profondes rancœurs nationalistes, qui ont abouti à la situation actuelle. Au final, des centaines de milliers de fruits et légumes ont dû être jetés à la poubelle ou transformés en compost face à la « peur » – infondée – de millions de consommateurs européens face à un évènement local, qui n’a pas dépassé les frontières d’un länder allemand. Et dire que dans beaucoup d’autres pays sur la planète il n’est pas question de qualité de l’alimentation, mais tout simplement de son accès.