Une certaine image de la France

Dans un contexte politique difficile et face aux enjeux électoraux que nous connaissons actuellement, je mesure la difficulté de parler de ce second tour de l’élection présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, sans froisser les susceptibilités de chacun, surtout des électeurs de gauche. Facebook et Twitter sont inondés de prises à partie, de coups de cœur, de coups de gueule et de règlements de compte virtuels depuis plusieurs semaines. Y échapper est devenu un parcours du combattant. Et pourtant face à l’issue de plus en plus incertaine de ce scrutin, il me semble important de ne pas laisser faire les choses. Peu importe nos convictions et nos valeurs. Je me remémore constamment les nombreux cours d’économie, d’histoire et d’éducation civique que j’ai pu étudier ainsi que nombre de livres que j’ai lus. Je repense à ces luttes, ouvrières, féministes, politiques ou encore sociales qui ont façonné notre pays pour en faire une démocratie et une République. Les temps sombres du fascisme et du nazisme ne sont pas si lointains et une large partie de nos concitoyens semble les avoir oubliés. Surfant sur la misère économique qui ravage une large partie du paysage industriel et de la ruralité française, le Front National ne fait que proposer des mesures démagogiques comme la sortie de l’Union européenne, le retour à une monnaie nationale et encore tant d’autres mesures qui appauvriraient encore plus les classes ouvrières et populaires. Non, le chômage n’est pas la faute des immigrés. Pas plus que l’insécurité n’est l’apanage des musulmans. La stagnation des salaires n’est pas non plus à imputer à l’Union européenne et à l’euro. Pire encore, ce parti n’hésite pas non plus à sélectionner les médias autorisés à pénétrer dans les enceintes de ses meetings ou encore à pratiquer la désinformation, en direct, à la télévision. J’ai moi-même refait le calcul, sur base des résultats du premier tour de l’élection présidentielle publiés au Journal officiel. Marine Le Pen n’arrive pas en première place dans les Départements d’Outre Mer, contrairement à ce qu’affirmait et soutenait récemment Florian Philippot sur France 5. Ce mensonge n’est qu’un exemple et une forme d’avertissement.

En ce lundi 1er mai, j’aurais pu rester tranquillement chez moi et me dire que je laissais le bon soin aux autres de se mobiliser. Et pourtant, je me suis surpris à aller au meeting d’Emmanuel Macron, porte de la Villette. Je n’étais pourtant pas forcément très chaud, ne partageant pas une partie des idées du candidat d’En Marche ! notamment sur le plan économique. Si toi aussi, tu t’es rendu(e) dans le nord du 19ème arrondissement aujourd’hui, tu as dû te rendre compte, qu’ici était réunie, envers et contre tous les préjugés, une France qui faisait chaud au cœur. Une France métropolitaine et d’outre-mer. Une France blanche, métisse, noire et asiatique. Une France de jeunes et de retraités. Une France de femmes et d’hommes. Une France qui partage des valeurs de tolérance, d’ouverture sur le monde et sur les autres. Agitant le drapeau français et le drapeau européen avec la même ferveur. Une France prête à se faire confiance et à s’unir plutôt qu’à s’opposer. Pourtant loin d’être un Macroniste convaincu, je dois reconnaître que le candidat a trouvé une oreille attentive en ma personne. Plus particulièrement sur des sujets chers au jeune homme que je suis, issu d’une famille provinciale de cadres et professions intellectuelles supérieures. Oui, je pense aussi que c’est par l’éducation et la culture que chacun peut s’élever et gravir l’ascenseur social, malheureusement en panne dans notre pays. Constater que l’école de la République ne fait que reproduire les inégalités sociales est un crève-cœur pour mes parents qui se sont toujours battus pour l’idéal républicain et ont contribué à instruire des générations d’élèves. Dimanche, ô ma Douce France, pays des Lumières, pays de Voltaire, Rousseau, Zola, Maupassant, Rimbaud et tant d’autres grands hommes de lettres, s’il te plaît, ne tombe pas dans l’obscurantisme. Tu es aussi un pays où se trouve une diversité de familles, toutes différentes, mais emplies d’amour et de construction propre. Les mots d’Emmanuel Macron ont eu une portée forte et une résonance particulière, notamment face aux attaques régulières de la Manif pour Tous et de Sens Commun. Oui, deux hommes qui s’aiment et ont des enfants, sont une famille. Tout comme deux femmes qui s’aiment et ont des enfants.

Le dernier débat télévisé – s’il peut véritablement être qualifié de débat – entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, n’a été d’aucun intérêt tant il a viré à des attaques personnelles pendant plus de deux heures. Comble de l’ironie, ce bon vieux Jacques Chirac avait vraisemblablement raison lorsqu’il avait clamé qu’on ne pouvait pas débattre avec le Front national. Même si je suis en marche pour dimanche, je tiens à préciser que je n’idéalise pas pour autant ce jeune candidat que l’on surnomme « le banquier ». En effet, je ne cache pas être déçu par le peu de propositions d’Emmanuel Macron sur les thématiques de l’écologie et du numérique. Par ailleurs, celui qui sera surement notre futur Président devra répondre aux millions de Français en désaccord sur sa réforme du travail ainsi que la manière dont il souhaite taxer le capital. Sans oublier que le score du Front national n’aura jamais été aussi élevé à une élection présidentielle. J’avoue ne plus comprendre comment nos territoires ruraux qui ne connaissent qu’un très faible taux de criminalité et n’ont très souvent jamais vu l’ombre d’un Africain ou d’un Asiatique, en arrivent à se retrouver dans le discours idéologique d’extrême-droite. Pire encore, comment certains agriculteurs soutiennent mordicus ce mouvement. J’aimerais leur expliquer que la Politique Agricole Commune, mise en place par l’Union européenne, est un des éléments qui assure pour beaucoup leur survie. Qu’une fermeture des frontières les priverait d’une grande partie des consommateurs étrangers, friands de recevoir les exportations de pommes, de lait, de beurre, de viande ou encore de légumes français. Concernant l’immigration, il est tout bonnement presque impossible qu’un migrant fuyant la guerre et les ruines arrive en France, bien souvent sans parler notre langue et n’ayant aucun toit, pour « voler » le travail d’un Français. Quant aux personnes francophones, bien souvent issues des minorités ethniques, combien sont-elles à ramasser nos poubelles, nettoyer nos rues, garder nos enfants, assurer la sécurité de nos grands magasins et de nos salles de concerts ? Que l’on me trouve un seul « véritable Français » qui se battrait véritablement pour ce genre d’emplois bien souvent pénibles, en horaires décalés et mal rémunérés ? Voter Front National n’a pas de sens à mes yeux si ce n’est exprimer de la détresse et se laisser berner par des mensonges. Cette campagne se termine d’ailleurs sur une tentative d’utilisation pernicieuse de l’Histoire de France par Marine Le Pen, venue chercher un éventuel sacre de Reine en la cathédrale de Reims, ma ville de naissance et d’attache. Je suis fier que les Rémois l’aient contrainte à fuir par la petite porte comme la famille royale lors de sa fuite à Varennes en 1791, sous les cris d’une foule qui lui intimait de « rendre l’argent ». Vivement que se termine cette campagne qui avait commencé sur une polémique du prix d’un pain au chocolat et que les urnes rendent leur verdict !

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